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Pourquoi les jeunes font-ils l’amour ?

Faire l’amour est une expérience intime qui nous pousse à nous interroger sur nos motivations profondes. Si l’amour et les sentiments amoureux sont souvent perçus comme les raisons principales pour s’unir physiquement à quelqu’un, est-ce réellement le cas chez les jeunes d’aujourd’hui ?

Une récente étude américaine publiée dans les Archives of Sexual Behaviour apporte un éclairage inédit sur cette question. En interrogeant plus de 1500 étudiants, les chercheurs ont pu dresser un classement précis des motivations qui poussent les jeunes à avoir des relations sexuelles.

Résultat : contrairement aux idées reçues, le plaisir arrive largement en tête, loin devant l’amour. Autre enseignement, les motivations sont assez similaires entre les hommes et les femmes.

Tour d’horizon des 10 principales raisons qui incitent les moins de 30 ans à faire l’amour.

Le top 10 des motivations chez les femmes

  1. J’étais attirée par la personne
  2. Je voulais expérimenter le plaisir physique
  3. Parce que c’est bon
  4. Je voulais exprimer mon affection
  5. Je voulais exprimer mon amour
  6. J’étais sexuellement éveillée et je voulais conclure
  7. J’étais excitée
  8. C’est fun
  9. J’ai réalisé que j’étais amoureuse
  10. C’était dans la chaleur de l’instant

L’attirance physique en tête

Sans surprise, l’attirance physique pour le ou la partenaire arrive en première position chez les femmes. Faire l’amour reste avant tout une expérience charnelle et sensuelle avant d’être une communion des âmes. L’apparence, l’odeur, la voix ou les gestes de l’autre provoquent un désir qui pousse à concrétiser physiquement.

Le plaisir avant les sentiments

Autre enseignement, la recherche du plaisir physique se classe deuxième, loin devant l’expression des sentiments amoureux. Contrairement aux clichés véhiculés depuis des décennies, le plaisir féminin s’affirme et s’assume désormais pleinement comme une motivation à part entière pour faire l’amour.

L’amour relégué à la 5e place

Les femmes sont réputées accorder plus d’importance aux sentiments que les hommes dans une relation sexuelle. Pourtant, dans ce classement, l’amour n’arrive qu’à la cinquième position chez les étudiantes interrogées. L’expression de l’affection prédomine sur la passion amoureuse, preuve d’une plus grande maturité affective.

Le top 10 des motivations chez les hommes

  1. J’étais attiré par la personne
  2. Parce que c’est bon
  3. Je voulais expérimenter le plaisir physique
  4. C’est fun
  5. Je voulais exprimer mon affection
  6. J’étais excité
  7. J’étais sexuellement éveillé et je voulais conclure
  8. Je voulais exprimer mon amour
  9. Je voulais avoir un orgasme
  10. Je voulais faire plaisir à ma partenaire

Le plaisir et l’orgasme en tête

Chez les messieurs, la quête de plaisir physique domine très largement, avec pas moins de 3 items sur les 5 premières places du classement. Entre « parce que c’est bon », « expérimenter le plaisir » et « avoir un orgasme », la dimension charnelle est clairement une motivation prépondérante.

L’amour loin derrière le plaisir

Tout comme chez les femmes, l’expression des sentiments amoureux arrive assez loin dans le classement (8e place) derrière des motivations bien plus instinctives et impulsives. Une nouvelle preuve que pour la génération Z, le sexe est avant tout vécu comme un plaisir récréatif assumé.

Des motivations finalement assez similaires

Si l’on compare les deux classements homme-femme, on s’aperçoit que les motivations sont assez similaires dans les grandes lignes. Attirance physique, plaisir et affection arrivent systématiquement dans les 5 premières places. Preuve que les différences de genre s’estompent chez les 18-30 ans en matière de sexualité.

Faire l’amour sans amour, est-ce si rare ?

Ces résultats sont-ils si surprenants et novateurs ? Pas tant que ça… Car l’idée que l’amour et le sexe sont dissociables n’a rien de révolutionnaire. Depuis la révolution sexuelle des années 70, de nombreuses enquêtes sur la sexualité ont montré que les relations sexuelles sans sentiments amoureux sont monnaie courante, y compris en dehors des relations extra-conjugales.

La notion de « sexfriends »

Le concept de « sexfriends » (des partenaires sexuels réguliers avec qui on entretient une relation amicale sans engagement amoureux) s’est même largement banalisé ces dernières années. Selon un sondage IFOP de 2018, 14% des Français auraient déjà expérimenté ce type de relation libre.

L’émergence des « plans culs »

Parallèlement, les « plans culs » et autres « coups d’un soir » ont aussi percé dans les moeurs, notamment via les sites spécialisés dans les rencontres libertines qui favorisent la sexualisation des échanges. Pour la génération connectée, le sexe recreationnel fait désormais partie du paysage amoureux au même titre que le romantisme.

La masturbation, sexualité sans partenaire

Enfin, la masturbation s’est aussi libéralisée chez les jeunes. Près de 40% des hommes et 20% des femmes déclaraient déjà se masturber régulièrement dans les années 2000 d’après l’enquête sur le contexte de la sexualité en France. Depuis, on peut supputer que ces chiffres ont encore progressé avec la démocratisation de l’accès à la pornographie sur Internet.

Une émancipation de la sexualité féminine

Mais s’il fallait retenir un enseignement majeur de cette enquête américaine, c’est sûrement la place accordée au plaisir féminin comme motivation à part entière pour faire l’amour. Et cela marque une véritable rupture historique.

La réhabilitation du désir féminin

Pendant des siècles, la sexualité féminine a été étouffée, niée, contrôlée et circonscrite à la sphère conjugale. La femme vertueuse et respectable se devait de rester chaste et de ne pas assouvir ses pulsions jugées vulgaires et dégradantes.

En plaçant ainsi le plaisir et la libido féminine au coeur de leur motivation pour faire l’amour, les jeunes femmes d’aujourd’hui réhabilitent et assument pleinement leur désir physique. Ce qui était impensable il y a encore 50 ans !

Vers plus d’égalité dans le couple ?

Cette place accordée au plaisir féminin peut aussi augurer une sexualité plus égalitaire au sein du couple. Jusqu’ici, la culture patriarcale imposait une vision androcentrée de la sexualité où seul le désir masculin était pris en compte. En s’affirmant comme sujets désirants à part entière, les femmes de la Gen Z esquissent les contours d’un modèle amoureux plus respectueux.

Risque d’instrumentalisation de la femme

Néanmoins, cette vision récréative du sexe chez les jeunes femmes n’est pas sans danger. En se conformant (de son plein gré ou sous influence sociale) à une image de femme « hot » et toujours partante pour une aventure sans lendemain, certaines s’exposent aussi à être davantage instrumentalisées comme de simples objets de désir par les hommes, avec le cortège de déceptions et de frustrations que cela suppose.

Une quête de sens qui subsiste

Derrière ce désir brut de sexualité décomplexée, les jeunes n’en restent pas moins en quête de sens, comme l’explique la sexologue Marie Velten :

« Ce plaisir assumé n’exclut pas le besoin de spiritualité, au contraire. Dans un monde de plus en plus désenchanté où l’avenir est incertain, la dimension charnelle et émotionnelle procurée par la sexualité devient un exutoire, une soupape où l’on vient chercher réconfort et lien à l’autre. »

Besoin de connexion à l’autre

Si le plaisir est la première motivation revendiquée, en creux, c’est aussi ce plaisir qui va permettre d’établir une connexion à l’autre. Dans une société individualiste où les repères collectifs s’effondrent, le coït reste un moment privilégié pour créer de la communion et rompre l’isolement.

Quête de sens par les sensations

De même, à une période de la vie où le corps est en pleine mutation, où les doutes existentiels resurgissent (suis-je normal ? suis-je désirable ?), la sexualité permet de trouver des réponses par le biais des sensations et de l’éveil des sens. Le plaisir charnel vient alors combler un vide métaphysique.

Insatisfaction et frustrations amoureuses

Pour autant, cette place prépondérante du plaisir et du désir dans les motivations des jeunes à faire l’amour ne les met pas à l’abri d’une certaine forme de désenchantement.

Derrière l’image d’une génération pour qui le sexe serait facile, routinier et décomplexé avec les sites de rencontres et la culture porno ambiante, les insatisfactions restent légion dans la vie amoureuse des 18-30 ans.

La désillusion des sites de rencontres

Sur les sites et applis de rencontre, seule une minorité de personnes finissent par concrétiser et trouver l’amour. La majorité se retrouvent pris dans une spirale de déception avec une enfilade de rendez-vous qui n’aboutissent pas et accentuent le sentiment de solitude.

Le mirage de la pornographie

De son côté, la pornographie véhicule une image faussée de la sexualité qui place la performance et les standards physiques au centre de la relation. Résultat : complexes et angoisses chez ceux qui ne correspondent pas à ces diktats irréalistes, et déceptions dans la vie réelle qui contraste avec ce monde fantasmagorique.

Persistance des violences sexistes et sexuelles

Par ailleurs, dans ce modèle de sexualité libérée et épanouie, la réalité du terrain est plus contrastée. Les violences sexuelles restent très présentes, notamment chez les plus jeunes. Près de 40% des moins de 18 ans déclaraient avoir déjà vécu une situation de harcèlement ou d’agression sexuelle selon un sondage IFOP.

Conclusion

Au final, cette étude américaine aura eu le mérite de déconstruire certains clichés sur la sexualité des jeunes, en révélant notamment l’importance accordée au plaisir aussi bien par les hommes que par les femmes.

Pour autant, derrière cette image d’une génération décomplexée qui assumerait pleinement sa sexualité, les frustrations et les injonctions contradictoires restent une réalité du quotidien amoureux des 18-30 ans.

Alors, simple effet de mode ou vrai tournant historique vers une sexualité réellement épanouie ? La question reste ouverte…

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